Coopérative

La coopérative agricole de Poblaki


La construction d'une coopérative agricole dans le village de Poblaki devra poser les bases d'une agriculture collective et raisonnée. Cette coopérative permettra, à terme, en maîtrisant le stockage du grain et la mutualisation des outils, de peser sur le choix des semences. La diminution des coûts consécutive à la mutualisation, ainsi que la maîtrise des circuits de vente (veille des cours du grain, par exemple) conduira les villageois, par incitation, à changer leurs habitudes de culture et à sortir du « tout maïs », qui a fait bien davantage la fortune des revendeurs et semenciers que celle des villageois, victimes à la fois du surendettement consécutif à la baisse du prix des récoltes, et des conséquences sanitaires et écologiques dramatiques de l'emploi massif de pesticides (pollution de l'eau, déforestation).



coopérative de la mission catholique karen
la coopérative agricole de Poblaki

Une agriculture raisonnée

Outre le riz de montagne destiné à la consommation des villageois, le régime agricole dans la montagne karen est la monoculture. L'arrivée extrêmement rapide de la modernité a généré des besoins nouveaux et fait exploser la fragile économie domestique des familles. Il a fallu chercher de nouvelles sources de profit. Le riz de montagne, planté et récolté à la main, et destiné à la consommation des familles, n'étant pas compétitif face à l'agriculture extensive de la grande plaine thaïe, les villageois se sont tournés vers le maïs. Planté aux premiers jours de la mousson et récolté avant la saison chaude, il profite des pluies, la plupart des terres de montagne ne pouvant accéder à l'irrigation. Introduit dans la montagne karen il y a une dizaine d'années par les grands groupes semenciers, c'est une semence OGM impropre à la consommation humaine et destinée à la consommation animale.Ce changement radical de mode de culture, dans une région modelée depuis des siècles par une agriculture de subsistance, n'est pas sans de graves conséquences écologiques et sanitaires. Il est donc urgent de proposer une alternative respectueuse du milieu et crédible économiquement.

Mécanisation

Les karens exploitent leurs terres à la force du poignet: le relief interdit en effet toute tentative de mécaniser les labours et les récoltes. Le défrichement se fait à la main et, en fait de labour, c'est un petit trou creusé au moyen d'un bambou qui recueillera la graine aux premières pluies. La récolte a lieu en janvier, et les épis ramassés à la main doivent encore être transportés à dos d'homme jusqu'à l'air de battage. Le battage du maïs a lieu parfois encore à la main, mais plus fréquemment au moyen d'une batteuse louée pour l'occasion. Les cultures manuelles, outre qu'elle sont épuisantes physiquement pour les paysans, sont d'une rentabilité médiocre: la terre n'ayant pas été retournée, la graine peine à trouver sa subsistance, ce qui nécessite l'emploi massif d'engrais. Par ailleurs, les semis faits "au petit bonheur" limitent grandement les rendements.
Pour parvenir à rentabiliser le travail des villageois, il conviendrait de réduire la surface cultivée, mais de la mieux exploiter. Pour parvenir à mécaniser les cultures, il faut des terrains à faible pente. L'objectif est donc de sélectionner les terres les moins accidentées, et creuser où faire ce peut des "marches" étroites à flanc de colline qui permettront au tracteur de circuler.

maraîchage dans la région de Chiang Maï
 Ce travail ne peut être accompli à la main: le tracteur de la mission et, ultérieurement, un tracto-pelle seront ici très utiles. L'objectif est de mieux exploiter de moindres surfaces, et rendre à la forêt (reboisement) les parcelles trop difficiles d'accès. La mécanisation permettra enfin de réduire drastiquement l'emploi d'engrais et de pesticides, limitant ainsi la pollution des terres et des eaux.

Un changement de paradigme

S'il ces changements techniques ont un prix, ils ne sont pas absolument insurmontables. La vraie difficulté réside dans le changement des mentalités:

- mutualiser l'outil agricole pour sortir de l'individualisme

En visitant ces minuscules hameaux isolés dans la montagne, on imagine une vie de village rythmée par les travaux en commun. La réalité est toute autre: chaque famille garde jalousement son indépendance et exploite ses propres terres, achète semences et engrais nécessaires à sa parcelle et organise le transport et la vente de sa récolte. Les années fastes, lorsque le prix du grain laisse présager un avenir meilleur, on s'endette sur plusieurs années pour acheter sa propre voiture qui permettra de transporter sa récolte. Outre le danger social que font peser les lourds crédits (surendettement) sur une famille, cette organisation individualiste limite les profits: petits volumes, petits gains. Sans prétendre aller jusqu'à la mutualisation des terres, la mise en commun des outils permettra de maximiser les profits et limiter les pertes. Le transport des grains et engrais en camion et non en voiture individuelle permettra enfin de négocier au mieux les prix d'achats et de vente, auprès du revendeur qui offre les meilleurs tarifs.

- sortir de l'assistanat

Force est de constater que notre présence dans les villages n'a pas permis une réelle autonomie économique: les très lourds investissements de la mission ont pu, en dépit de leur réelle utilité, installer les villageois dans une forme d'assistanat. La gratuité des écoles et des centres, les "cadeaux" plus ou moins justifiés (installations solaires individuelles, distributions de riz, de vêtements, etc.) ont pu avoir un effet délétère sur la mentalité des karens des villages, en limitant l'initiative et en faisant des villageois des bénéficiaires passifs et non des acteurs de leur propre développement.

Le fonctionnement en coopérative

En plus de permettre de réels bénéfices économiques, le fonctionnement en coopérative doit donc surtout permettre aux karens eux-mêmes de prendre en main le développement de leur village, et de travailler ensemble à celui-ci. La mutualisation des outils agricoles oblige en effet les partenaires à se réunir pour discerner ensemble ce qui profitera réellement au village. Trop pauvres pour investir dans une telle infrastructure, les karens peuvent compter sur la mission pour les aider à s'équiper. L'objectif à court terme est de permettre à la coopérative d'être autonome tant de la mission que des partenaires, et d'être entièrement gérée par les karens eux-mêmes, qui en seront les seuls propriétaires et responsables.
Il est illusoire de vouloir changer brusquement de modèle économique. L'objectif est de commencer, sur la base du volontariat, avec quelques familles très motivées. Les économies et bénéfices réalisés par celles-ci conduiront les autres familles et villages voisins à s'associer au projet. De même, on ne peut espérer sortir du "tout maïs" par la contrainte. Aussi la coopérative accompagnera dans un premier temps les villageois dans la culture du maïs, avant de proposer par incitation, dans un second temps, des semences plus respectueuses du milieu et plus intéressantes économiquement (maraîchage, essences d'altitude, café, etc.).


La coopérative agricole de Poblaki

Conçue en concertation avec les villageois, et grâce au généreux travail d'architecte de Mr. Ryo Sakai, la coopérative disposera de:

- une halle aux grains, pour stocker les récoltes et permettre ainsi la vente au meilleur cours.
- un bureau
- une aire de battage, pour faire sécher les grains
- deux garages, pour stocker les véhicules (un tracteur et un camion) et l'outillage
- un espace de stockage, pour stocker engrais et pesticides.
La coopérative disposera enfin d'un système solaire indépendant, pour l'éclairage et le bureau, ainsi que d'une couverture mobile (antenne) pour surveiller les cours et contacter revendeurs et fournisseurs.

Estimation des coûts

Achat du terrain 30 000 THB
Transport des matériaux 150 000 THB
Matériaux 300 000 THB
Main d’œuvre 350 000 THB
Installation électrique 40 000 THB
Fournitures 30 000 THB
Total 900 000 THB (25 700 euros)

Le coût de cette construction dépasse les capacités financières de la mission, et plus encore les modestes moyens des villageois. Nous croyons cependant qu'elle est très nécessaire et représente un investissement indispensable dans un village comme Poblaki, qui souffre des graves conséquences écologiques et sanitaires du modèle agricole du "tout maïs", et voit peu à peu ses jeunes partir travailler en ville, faute de pouvoir vivre décemment de leur travail dans leur village.

Merci à tous ceux qui pourront nous aider à rendre possible ce beau projet!

On peut consulter en ligne les plans ainsi que le dossier de financement du projet.

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