Evangélisation et conversion des arts en pays de mission: l'exemple du pays karen

 

Évangélisation et conversion des arts et de la culture en pays de mission :

L'exemple du pays karen.

Un art karen ?

Si l'on excepte les motifs de tissage, et les infinies variations des trames de vannerie, il n' existe pas d'art karen, au sens de tradition picturale codifiée. A cela, je vois deux raisons :

La première est la violence du milieu tropical, qui ne laisse rien subsister au-delà de quelques années. Les plus solides constructions d'il y a vingt-cinq ans achèvent de pourrir dans la forêt, et seules subsistent les productions, par nature éphémères, fruits d'une transmission immatérielle : le tissage, la vannerie, les chants. On cherchera donc en vain de quelconques fresques, ou bois sculptés. Seuls demeurent, en de très rares exemplaires, les fameux tambours de bronze, mais ceux-ci sont répandus dans tout le Sud-Est asiatique, et de fabrication vietnamienne ou birmane ; et des poteries exhumées des champs de maïs du village voisin, probablement des traces d'une implantation très ancienne de culture Lanna, de tradition thaïe donc.

La seconde raison il faut la chercher je pense dans le caractère semi-nomade du peuple karen. La culture traditionnelle de l'abati-brulis obligeait les karens, avant leur sédentarisation progressive, à des déplacements de vallées en vallées tous les deux ans. Les poutres maîtresses seules étaient déplacées à dos d'éléphant, et en quelques heures un nouveau village de bambou sortait de terre à quelques kilomètres du précédent. Les constructions de teck sont apparues seulement il y a quelques années avec la sédentarisation des populations et leur très relatif enrichissement. Le matériaux habituel est en fait le bambou, qui résiste rarement au-delà de quelques saisons. En conséquence, on chercherait vainement aussi de solides bâtiments de bois ou de pierre qui défient les années. Si les karens excellent au travail du bambou, ils sont en revanche de piètres menuisiers (on ignorait ici, il y a soixante ans encore, l'usage de la scie). La transposition des modèles de cabanes de bambou en maisons de teck donne enfin des résultats...discutables. Le changement rapide des matériaux, techniques et modes de vie a donc provoqué une disparition de l'architecture traditionnelle, et l'art de bâtir des maisons avec les matériaux et techniques modernes est loin encore d'avoir trouver sa méthode et un équilibre justifiant que l'on parle d'une « tradition » architecturale.

Ces deux raisons principales expliquent je crois l'absence de productions artistiques, tant architecturales que picturales. Le missionnaire éprouve donc quelque embarras lorsqu'il s'agit de construire et décorer les différentes églises que réclame l'augmentation des néophytes dans ses villages. Sauf à construire des églises selon des modèles en tout étrangers au génie karen, et à importer l'entièreté de ses églises (autels, chemins de croix, objets liturgiques, etc.), il devra donc imaginer des arts, et des arts liturgiques en particulier, qui trouveront dans l'âme karen un écho, et respecteront, autant que faire ce peut, le génie et la sensibilité des populations. Dans le cas particulier de la région karen, tout reste donc à faire. Si en pays thaï on peut s'appuyer sur une tradition ornementale et picturale ancienne et éprouvée, à laquelle on s'efforcera d'adapter le message chrétien, en pays karen il ne s'agit pas moins que de créer de toutes pièces un art autochtone, en s'appuyant sur les quelques indices qu'offrent l'artisanat, la manière d'habiter et de se rencontrer, et le rapport des karens aux formes et aux couleurs.

C'est ce défi que nous avons tenté de soulever, avec la conviction que l’Évangile a toujours et partout été, dans sa rencontre avec les cultures, un puissant facteur de renouveau, au point même parfois de provoquer la naissance d'un art nouveau. Cet article voudrait rendre compte de nos diverses tentatives pour tenter d'en débrouiller, assez empiriquement, les prémisses.


Promesses

Constater l'absence d'un art autochtone n'est pas pourtant en déplorer l'impossibilité. Les enfants de nos centres présentent des dispositions certaines pour le dessin et les arts plastiques (encore que de plus en plus influencés, via la diffusion massive de cartoons bon marché, par le trait de mangakas coréens et japonais, et certainement pas des meilleurs) et les karens atteignent, dans leurs productions artisanales, à des résultats d'une finesse assez inouïe, en dépit d'outils très grossiers. Que l'on songe à la délicatesse des travaux de vannerie, au seul moyen de la machette karen. Le tissage, enfin, toujours très pratiqué, maîtrisé dés le plus jeune âge par les jeunes filles sous la direction de leurs mamans, nous semble être le vecteur le plus solide de transmission d'une culture artistique vivante. Choix des couleurs, délibération des motifs, on peut dire qu'il existe là une réelle expérience et pratique artistique, d'ailleurs exclusivement féminine.


Jeune fille karen posant pour une vierge à l'enfant

Une question d'échelle

La vannerie comme le tissage jouent sur les variations presque infinies de composition des fibres, aux nuances variées (nuances de bambous et rattan pour la vannerie, couleurs de fils de coton pour le tissage), constituant, par leur répétition et leurs accords, un ensemble de motifs qui sont pour les karens comme une gamme de signes. Leur composition, selon un certain ordre et une certaine hiérarchie, vise à provoquer chez le spectateur ou l'usager une certaine émotion esthétique ou à leur manifester un message symbolique1. Il nous semble qu'il y a là tous les éléments propres à l'élaboration d'un langage artistique. On ne saurait cependant simplement dupliquer les motifs, d'ailleurs très rustiques, des tissus karens à l'échelle, monumentale, de nos églises. Le raffinement des tuniques tissées se prête mal en effet à l'ornementation de grandes surfaces. Si les tuniques peuvent constituer un catalogue de couleurs et de motifs, il nous faudra donc chercher ailleurs les éléments de décors de nos fresques et ornementations. Retenons cependant le goût pour la répétition, les couleurs vives et l'alternance des motifs.

Problème de taille pour le décor de nos églises enfin, il n'existe chez les karens, à notre connaissance, aucune représentation figurée, tant d'animaux que de figures humaines2. Comment, dans ces conditions, envisager sculptures et scènes peintes pour nos églises ? Si nos voisins khmers ou thaïs peuvent, sans trop de difficultés, transposer les scènes évangéliques dans le style local (à l'aide de talentueux artistes et artisans locaux), cette ressource nous est interdite par cette absence d'images chez le peuple karen (sans qu'il ne soit jamais question, à notre connaissance, d'un quelconque interdit de l'image, tel que présent dans le Décalogue ou la tradition islamique). Faut-il, pour autant, se résoudre à renoncer à produire toute image, et orienter nos recherches vers une représentation apophatique et privilégier pour nos églises la nudité cistercienne ? Le goût karen pour les très médiocres œuvres religieuses sulpiciennes, la figure partout présente dans les maisons du Roi défunt Rama IX, nous encouragent plutôt à multiplier les images, qu'à l'évidence réclame la piété des fidèles (et leur nécessaire instruction religieuses, pour ceux qui ne savent pas lire). Est-il besoin enfin de rappeler que l'interdit de l'image a été levé par l'Incarnation et la manifestation du Sauveur ?


Des images

Où, dans ces conditions, trouver les modèles et ornements qui décoreront nos églises, aideront à la compréhension de la foi, et satisferont à la demande du peuple chrétien d'images peintes ou sculptées ? Sans doute convient-il d'encourager la diffusion de modèles académiques chrétiens (chemins de croix, scènes bibliques, tableaux catéchétiques, etc.) qui, à défaut de fournir un style, serviront du moins de modèles à partir desquels saura sans doute se déployer le génie local. Efforçons-nous toutefois de sélectionner le meilleur de la production iconographique chrétienne, ou le pire le dispute souvent au très médiocre. Un catalogue des gravures de Dürer et la Bible de Doré, par exemple, pourront ici être d'un grand secours. Nous avons ainsi réalisé et publié, l'an passé, une importante série (une par dimanche pendant tout le temps liturgiques) de cartes illustrées du meilleur de l'iconographie chrétienne, reprenant l'évangile du dimanche et une courte catéchèse, en karen birman (Liwa). Nous avons pu constater avec bonheur que ces cartes ornent aujourd'hui la plupart des autels domestiques des catholiques dans les villages.

La providence a voulu que je naisse au sein d'une famille d'artistes. J'ai ainsi eu l'opportunité de rassembler il y a quelques années les esquisses et de nombreuses terres cuites de ma grand-mère Marie Arbel3 : issue des ateliers d'art sacré, sa carrière d'artiste religieuse s'étend sur près de cinquante ans. L'art religieux français de l'avant et de l'immédiat après-guerre se prête me semble-t-il assez heureusement à nos essais : scènes intimistes, familiales et pastorales, simplicité des formes, ces œuvres ont reçu bon accueil chez les chrétiens de nos montagnes. La reconstruction des nombreuses églises détruites par la guerre, dans une volonté de réel renouveau esthétique, rejoint bien le besoin pour nos missions de nouvelles nombreuses églises, dans un contexte de croissance rapide de la communauté chrétienne. Ses très nombreuses études sur papier constituent un précieux catalogue de scènes évangéliques, de figures de saints, à la destination souvent monumentale, qui nous sont d'un grand secours dans la décoration de nos édifices. Ses originaux de terre cuite ont enfin permis, au moyen de moules en silicones, la large diffusion de vierges de plâtres pour les familles chrétiennes du secteur.


Atelier de moulages avec les enfants du centre de Ponouaipou

Un « catalogue » des formes et des couleurs

On ne saurait cependant se contenter de calquer des formes anciennes pour les adapter, tant bien que mal, aux besoins présents. Formes et couleurs touchent diversement un public karen et français. Il nous a donc fallu multiplier les essais et recueillir impressions et commentaires des karens eux-mêmes pour tenter d'établir, très empiriquement, un « catalogue » de formes et des couleurs. Nous avons donc soumis aux karens de nos villages un ensemble de planches associant compositions de couleurs et jeux géométriques, attentif à leur verdict. Le tournage de nombreux porte-cierges pascals a permis aussi de multiplier les assemblages de formes basiques et de couleurs, agréant -ou non- les suffrages.

exemples de planches d'essais de formes et de couleurs

Symbolique des couleurs

Même si l'arrivée du fil synthétique a permis d'ouvrir la gamme de coloris, les couleurs de prédilection des karens sont restées celles des tenues traditionnelles, que permettaient les teintures naturelles (teintures biologiques et minérales) : le blanc, le rouge, l'ocre, le bleu, le noir.

Le blanc est la couleur des tuniques des jeunes filles jusqu'à leur mariage, il symbolise pureté et virginité. Une fois mariées, les femmes arborent le noir, mélangé de rouge. Le rouge symbolise la force et le courage, c'est par excellence la couleur des hommes. L'or est réservé au domaine sacré, où il est employé avec abondance par les bouddhistes.

Le vêtement traditionnel est réalisé au moyen de deux pièces de tissus. La couture constitue l'axe symétrique du vêtement, de sorte qu'ils peuvent indifféremment être portés à l'endroit ou à l'envers. Cette symétrie est aussi un symbole d'honnêteté et de franchise : l'envers égale l'endroit, sans dissimulation possible.


Matériaux et techniques

Un art de l'impermanence

Les fêtes sont pour les karens l'occasion de déployer leur génie de la décoration. Par nature éphémères, les décors de bambou, de palmes tressées, les fleurs, donnent à nos sanctuaires, le temps d'une nuit de fête, la somptuosité d'un palais végétal. Toutes les ressources qu'offre une nature luxuriante sont mises à contribution pour créer des arches, guirlandes, corbeilles. Ce génie de l'impermanence est volontiers mis à contribution pour les fêtes de Noël et de Pâques, la fête-Dieu, l'Assomption, les mariages. Le contraste entre le vert des palmes et le rouge et le noir dominants des costumes traditionnels, la foule bigarrée éclairée par la lueur des bougies (la plupart de nos villages de montagne ne disposent pas d'électricité) dans ces nuits de fêtes est extraordinaire. Le défi est de réussir la transposition de ces décors d'un jour dans la durée.

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Travail du bambou

Les karens sont passés maîtres dans le travail du bambou, tant pour leur habitat que pour les mille outils de la vie quotidienne (paniers, flèches, tamis, nasses à poisson, etc.). On peut certes construire les églises en bambou, à la manière karen (claies et structure de bambou, toit de feuilles), mais c'est s'obliger alors à bâtir une nouvelle église tous les deux ans, délai au-delà duquel les termites et les vers auront raison du bâtiment. Le traitement de préservation traditionnel (immersion des sections de bambous dans la rivière pendant un mois) assure au mieux une durée de vie de 5 ans. Il existe des traitements chimiques (soufflage sous pression de produits chimiques dans les sections), mais ils sont chers, polluants et difficiles à mettre en œuvre. On réservera donc le bambou pour des panneaux décoratifs de bambous tressés ou pour de petits objets.


Travail du bois

Il n'existe pas, à proprement parler, de menuiserie karen. Le seul outil pour travailler le bois étant la grossière machette karen, les assemblages restent bruts et grossiers. Malgré cela, le bois, et le bois de teck en particulier, est un élément essentiel du décor de la vie des karens, peuple de la forêt. Les maisons, les outils domestiques, les armes (fusil, arbalète) sont taillés dans ce bois dur et fibreux, dont les nuances vont du blanc au rouge, et qui prend avec le temps une belle patine brune. Difficile donc d'imaginer une église sans boiserie. S'il est par sa dureté assez difficile à travailler, le teck défie les années et les termites (pour peu qu'on le mette à l'abri de l'humidité).

Pour l'architecture, sauf à recourir à la contrebande, le teck est de plus en plus rare et cher, sa coupe étant sévèrement punie. La récupération de bâtiments anciens nous permet néanmoins de disposer de stock importants, au moins pour les sols et les décors. Un minimum d'outillage permet déjà d'obtenir des résultats satisfaisants. Le teck enfin se prête particulièrement bien au travail au tour, activité très pratiquée et goûtée en milieu thaï et birman (ainsi que l'attestent les chedis bouddhistes et les laques birmanes). Un tour à bois de taille moyenne (avec des outils de coupe forgés) nous permet de réaliser porte-cierges pour nos églises et autres objets liturgiques (ambons, lustres, colonnes d'autels et de retables). La fabrication en cours d'un tour de très grande taille devrait permettre sous peu le tournage de troncs de teck allant jusqu'à trois mètres de long : nous serons bientôt en mesure de produire des poteaux ouvragés pour nos futures églises.


lustre pour l'église de Poblaki

Matériaux modernes

La construction d'une forge l'an passé nous permet désormais de travailler l'acier, pour de la petite ferronnerie d'art, en plus de réaliser les outils nécessaires au travail du bois. Historiquement, les karens ne travaillent pas le fer, et s'approvisionnaient en outils (machettes, instruments aratoires, bijoux) auprès d'autres tribus montagnardes maîtrisant ce savoir-faire (Lahus et Akhas). Mais la perspective de forger son propre couteaux est assez motivante pour les jeunes garçons des centres pour que l'on ne manque pas de main d’œuvre !


travail à la forge avec les enfants du centre de ponouaipou

Moulage

Les progrès de la chimie rendent les travaux de moulage beaucoup plus simples qu'avec l'antique technique des moules en plâtre. Après quelques essais malheureux, la technique de fabrication de moules en silicone est désormais acquise, et permet de multiplier à l'envie statuettes ou éléments décoratifs. Outre les terres cuites de Marie Arbel, toute œuvre sculptée d'intérêt artistique est susceptible d'être reproduite. Nous avons pu faire l'acquisition il y a deux ans de superbes cuivres repoussés birmans d'origine catholique qui, reproduits en plâtre et peints, se déclinent en panneaux de retables ou d'autels ou, comme c'est le cas pour une belle Ascension du Sauveur, en porte de tabernacle. Outre le plâtre, on peut mouler aussi la pierre reconstituée, la résine, ou encore le béton, ce qui offre d'infinies possibilités pour le décor de nos églises (chapiteaux et bases de colonnes, frises, etc.). La création de modèles originaux est à l'étude, contacts pris avec de jeunes artistes sculpteurs thaïs, en particulier pour la réalisation d'une vierge karen. Il est enfin encore possible de faire réaliser en Thaïlande, pour des coûts assez raisonnables, des pièces coulées en bronze.


Ascension, porte de tabernacle pour la nouvelle église de Leko, acrylique sur plâtre et feuilles d'or, moulage de cuivre martelés birmans.

Un artisanat thaï et birman encore très vivant.

Même s'ils se raréfient, il toujours possible de s'adresser, en Thaïlande comme en Birmanie, à des artisans qui maîtrisent encore des savoir-faire anciens, pour des coûts relativement modiques. La région de Chiang Mai est réputée pour sa dextérité dans le travail du bois, y compris de très grosses pièces. Mais dans ce domaine personne n'égale la virtuosité des sculpteurs birmans, qui réalisent des pièces monumentales d'une finesse d'exécution extraordinaire. La Birmanie compte encore de très nombreux ateliers d'artisans d'arts, de la dorure aux fixés-sous-verre. Encore faut-il savoir où les trouver, et pouvoir maîtriser assez ces techniques pour donner à l'artisan des indications précises sur ce qu'ont lui veut voir réaliser.


Architecture

On dit volontiers de l'église qu'elle est la maison de Dieu et des hommes. En ce sens, sa forme imite souvent, à une plus grande échelle, le dessin des maisons. S'il est difficile d'imiter la maison karen, qui tient plus de la cabane, retenons cependant la structure sur pilotis, qui permet une climatisation passive, et la plate-forme extérieure présente dans toutes les maisons pour l'accueil des visiteurs et les colloques entre amis : dans nos églises, elle est confondue avec le porche et le narthex, et permet à l'assemblée de se rassembler avant et après la cérémonie, voir de faire les prières en l'absence de son pasteur.4

La difficulté de se fournir en bois oblige de plus en plus à se tourner vers l'acier (pour les charpentes) et le béton. Bien employés, et mis en valeur par un dessin simple et épuré, ces matériaux atteignent à la dignité de matériaux nobles. Si pour les bâtiments à usage civil je m'efforce de réaliser plans et dessins, la conception de la future église du petit village de Sohelou, qui doit débuter cette année, a été confiée à un couple de jeunes architectes thaïs. Bien que bouddhistes, ils ont me semble-t-il fort bien saisi les caractéristiques liturgiques et symboliques d'une église, et ont eu l'intelligence de s'entretenir d'abord avec les villageois pour saisir leurs attentes.


église de Sohelou

L'architecture thaïe sacrée, dont la structure trahit son origine de bambou et de feuilles, donne aussi un bon exemple de ce qu'il est possible de réaliser pour des édifices de moyenne importance : la trame serrée des charpentes supportant des tuiles vernissées de couleur, et ses massifs poteaux de teck est du plus bel effet (bien que d'un coût exorbitant).


Une académie ?

Pour l'heure ces travaux et réflexions sont surtout de mon fait, mais j'ai bon espoir que les karens se saisissent peu a peu de ces enjeux. Un concours du plus bel autel domestique (chaque maison, bouddhiste et catholique, dispose en évidence d'une niche ménagée dans le mur pour abriter les images saintes) organisé l'an passé, a reçu un franc succès, et donne lieu a d'intéressantes tentatives. On essaie enfin de favoriser, chez les jeunes de nos écoles et de nos centres, la pratique d'activités artistiques, pour lesquelles ils montrent de réelles dispositions. J'aimerai dans les prochaines années pouvoir envoyer les plus capables auprès d'artisans et d'artistes thaïs, pour le travail du bois, de la céramique ou du décor a fresque. Et pourquoi ne pas même envisager, à l'imitation des académies jésuites des XVII et XVIII siècles, la création d'une école ? Les arts liturgiques sont en effet le lieu privilégié de la rencontre entre artisanat et pratique artistique. Les arts appliqués n'ont plus guère de succès aujourd'hui, sans parler de la situation des arts sacrés. Un renouveau, aussi modeste soit-il, des arts religieux dans nos territoires de mission serait le signe fort d'une réelle in-culturation du message évangélique dans des cultures en tout étrangères à la tradition chrétienne, mais aussi, souhaitons-le, un souffle nouveau pour les arts liturgiques dans leur ensemble.

1Certains motifs et/ou couleurs des tuniques signalent ainsi chez l'observateur averti l'appartenance familiale et villageoise.

2A l'exception très notable de certains tatouages masculins, mais qui relèvent ici d'avantage de la magie que de l'ornementation.

3Parents, oncle et tante ont permis l'exil de ces précieux souvenirs : qu'ils en soient vivement remerciés ici, ainsi que la société des Missions Étrangères, qui a généreusement pris en charge leur transport.

4J'ai pu remarquer que les fidèles ne visitent pas les chapelles sans quelque appréhension. L'église étant un lieu sacré, qui touche par là au domaine des esprits et des forces surnaturelles, on ne s'y rend qu'en groupe.


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